Depuis l’Antiquité, le bassin méditerranéen est le berceau des grandes civilisations… mais aussi celui des grandes boissons.
Les Phéniciens, les Grecs et les Romains ont façonné un véritable art de vivre où le vin, l’anis, les herbes et les fruits ensoleillés tiennent une place centrale.
Aujourd’hui encore, ces traditions perdurent et se déclinent dans une incroyable diversité de boissons alcoolisées de Méditerranée : vins fortifiés, apéritifs anisés, liqueurs d’agrumes et créations artisanales.
À Paris, le Solis s’impose comme un bar lounge incontournable, recréant l’esprit méditerranéen à travers sa carte et son ambiance.
Pour prolonger ce voyage, voici 10 boissons emblématiques du bassin méditerranéen, à découvrir et à savourer absolument.
1. L’Ouzo (Grèce)

Sur une terrasse blanche face à la mer Égée, l’ouzo est la boisson qui installe la conversation : on verse, on ajoute un peu d’eau, il se trouble et la table se remplit d’arômes. L’ouzo accompagne les petites assiettes, les rires tardifs et la lenteur des soirées grecques – c’est un apéritif social et solaire.
Origine & histoire : L’ouzo est profondément ancré dans la tradition grecque moderne : il se structure au XIXᵉ siècle, notamment autour des îles de la mer Égée (Lesbos, Chios) et des régions portuaires. Héritier des distillats d’anis importés via l’Empire byzantin et ottoman, il se normalise avec l’essor des alambics modernes et la commercialisation de grandes marques locales. En 2006, sa reconnaissance au niveau européen a renforcé sa réputation comme produit identifié de la Grèce.
Ingrédients & arômes : La base peut être issue de distillats de raisin ou d’un esprit neutre auquel on ajoute des essences. Les aromatiques dominantes sont l’anis et le fenouil ; certaines recettes utilisent aussi coriandre, cardamome ou menthe. En bouche, l’ouzo délivre une fraîcheur anisée, une douceur légère et une persistance aromatique qui fait ressortir des notes florales et légèrement épicées.
Manières de consommer l’Ouzo :
- Traditionnellement dilué avec de l’eau et servi avec des glaçons, le rendant laiteux et plus doux.
- En accompagnement des mezzés (salades, poulpe, fromages frais, olives) ; il prolonge la dégustation sans la saturer.
- Utilisé ponctuellement par des barmen modernes en cocktails longs ou en spritz-like pour apporter une touche anisée méditerranéenne.
2. Le Raki (Turquie)

Né dans l’Empire ottoman, le raki est plus qu’un simple alcool : c’est une institution sociale en Turquie. On l’appelle « aslan sütü » (lait du lion) car il se trouble et blanchit lorsqu’on l’allonge d’eau. Sa consommation est profondément ritualisée : on le partage autour d’une grande table, accompagné de mezze et de longues conversations.
Origine & histoire : La pratique de distiller des résidus de raisin remonte à plusieurs siècles, mais le raki tel qu’on le connaît s’affirme à l’époque ottomane et se popularise aux XVIIᵉ-XIXᵉ siècles dans les tavernes d’Istanbul et des côtes. Les variantes régionales se développent (Tekirdağ, İzmir, etc.). Après la création de la République turque au XXᵉ siècle, le raki est devenu une boisson nationale, associée à la culture du « rakı sofrası » – la table du raki – où nourriture, discussion et musique forment un tout. Le procédé a évolué, passant de distillations artisanales à une production plus industrieuse tout en conservant des maisons qui pratiquent encore des méthodes traditionnelles.
Ingrédients & arômes : On distille généralement le marc de raisin ou des raisins secs (parfois figues) ; l’alcool obtenu subit une seconde distillation avec des graines d’anis. Le raki peut être légèrement sucré ou totalement sec selon les recettes ; on y perçoit un fort caractère anisé, une base fruitée provenant des levures du raisin et parfois des notes boisées si le produit a été vieilli en fût.
Manières de consommer le Raki :
- Traditionnellement allongé d’eau glacée (ratio variable selon goût).
- À table, toujours accompagné d’une grande variété de mezze (aubergines, yaourt salé, anchois, dolmas) et de plats de poisson ; il est fait pour être bu lentement.
- Dans certaines tendances contemporaines, utilisé en base de cocktails pour introduire une dimension anisée profonde et authentique.
3. Le Pastis (France – Provence)

Le pastis c’est l’odeur de la garrigue et des terrasses marseillaises : un verre d’eau, une carafe, des discussions au long cours et le cliquetis des boules de pétanque. Le pastis s’est imposé comme l’icône de l’apéritif provençal, immédiat et convivial.
Origine & histoire : Le pastis naît après l’interdiction de l’absinthe (1915) : artisans et distillateurs cherchent à recréer des boissons anisées moins controversées. Paul Ricard et d’autres industriels jouent un rôle majeur dans sa diffusion dès les années 1930. Le pastis reprend la tradition aromatique de l’absinthe mais en l’adoucissant et en l’adaptant au rythme des cafés et des bistrots. Sa popularité se structure avec la culture du « petit noir » puis du « apéro » en extérieur, et il devient bientôt synonyme du Sud de la France.
Ingrédients & arômes : Le pastis est le plus souvent obtenu par macération et distillation de plantes – anis étoilé, fenouil, réglisse – complétées par un assortiment de plantes de la garrigue (thyme, romarin, origan selon les recettes). Le sucre peut être ajouté pour arrondir l’ensemble. Au nez, il offre un profil anisé dominant, complété par des notes résineuses et herbacées ; en bouche, il est ample et long.
Manières de consommer le Pastis :
- À diluer impérativement avec de l’eau très fraîche (classiquement 1 volume de pastis pour 4-6 volumes d’eau).
- À l’apéritif, avec des olives, des anchoïades, de la tapenade ou des rillettes ; il ouvre l’appétit.
- Réinterprété par des mixologues en cocktails à base de sirops ou d’agrumes pour des variantes estivales.
4. Le Limoncello (Italie – Côte amalfitaine)

Sur la côte amalfitaine, le limoncello est une respiration d’agrumes glacée : les nappes de liqueur jaune vif servent à conclure le repas sur une note fraisissime et solaire, souvenir immédiat du citronnier.
Origine & histoire : Le limoncello se développe dans les familles et les ateliers domestiques de la baie de Sorrento et de Capri à la fin du XIXᵉ-début du XXᵉ siècle. Il n’existe pas de « créateur » unique mais plutôt une tradition familiale transmise de génération en génération, jusqu’à l’industrialisation et la diffusion internationale au XXᵉ siècle. Les citrons locaux, dits de Sorrento (sfusato amalfitano), sont très riches en huiles essentielles, ce qui explique la qualité aromatique du limoncello.
Ingrédients & arômes : La méthode consiste à ne macérer que le zeste (éviter la chair blanche pour limiter l’amertume) dans un alcool neutre puissant pendant plusieurs jours à semaines, puis à filtrer et sucrer avec un sirop. Le zeste apporte des huiles essentielles d’agrumes très concentrées : notes d’écorce, d’essence de citron, parfois une pointe florale selon la variété de citron. Le sucre adoucit la liqueur et fait ressortir la fraîcheur.
Manières de consommer le Limoncello :
- Servi très froid, souvent dans un petit verre glacé en digestif.
- Utilisé en cuisine (crèmes, glaces, pâtisseries) et comme ajout aromatique dans certains cocktails à base de prosecco ou de vodka.
- Parfois proposé en « shot » glacé entre les plats pour nettoyer le palais.
5. Le Vermouth (Italie / Catalogne / France)

Le vermouth est la boisson qui a inventé l’apéritif moderne : à la fois vin, herbe et invitation à la table. Que ce soit à Turin, Barcelone ou Marseille, lever un verre de vermouth, c’est entrer dans l’art du prélude gustatif.
Origine & histoire : Le mot vermouth vient de l’allemand Wermut, qui signifie « armoise » (une plante cousine de l’absinthe). Ce terme a été adopté au XVIIIᵉ siècle quand Antonio Benedetto Carpano, à Turin en 1786, met au point la première recette moderne : un vin fortifié et aromatisé aux herbes, dont l’armoise était l’ingrédient central. Même si son nom est d’origine germanique, le vermouth appartient très vite à la culture méditerranéenne : l’Italie du Nord devient son berceau de production, et il s’impose comme base de l’apéritif, pratique typiquement méditerranéenne qui valorise le vin et les herbes locales. La Catalogne, la Provence et la Savoie développent ensuite leurs propres versions, intégrant le vermouth dans leurs habitudes de café et de bodegas. Aujourd’hui encore, Turin et Barcelone sont considérées comme deux capitales mondiales du vermouth.
Ingrédients & arômes : La base est un vin blanc ou rouge auquel on ajoute un concentré d’aromates : absinthe/armoise (d’où le nom wermut), écorces d’agrumes, racines, écorce de quinquina, cannelle, clous de girofle, cardamome… Les recettes sont souvent tenues secrètes. Les profils vont de floral et sucré (bianco) à amer et caramélisé (rosso), jusqu’au dry très sec pour le martini.
Manières de consommer le Vermouth :
- Nature sur glace, parfois avec une tranche d’orange ou un zeste de citron, comme apéritif.
- Allongé d’eau gazeuse pour une version plus légère, ou servi en « vermouth on tap » dans les bodegas de Barcelone.
- Ingrédient essentiel de cocktails classiques (Negroni, Martini, Americano) – il structure l’équilibre sucre/amertume et la complexité aromatique.
6. Le Sherry / Jerez (Espagne – Andalousie)

Dans les bodegas centenaires de Jerez, le sherry vit au rythme du soleil, du sel et du vent : on sent le plancher des caves, l’odeur du bois et l’histoire d’échanges maritimes. Le sherry est à la fois poli par le temps et vif de caractère : il faut l’apprendre, puis l’aimer.
Origine & histoire : Le vignoble autour de Jerez de la Frontera est cultivé depuis l’Antiquité ; la spécificité du sherry se clarifie à la Renaissance avec la fortification destinée à stabiliser le vin pour l’exportation, notamment vers l’Angleterre. Au fil des siècles, des systèmes de vieillissement (notamment la solera) ont été mis au point pour garantir complexité et homogénéité. Les techniques – élevage sous voile de levure (flor) pour les fino/manzanilla, élevage oxydatif pour les oloroso – forgent la palette aromatique spécifique du Jerez.
Ingrédients & arômes : Le cépage dominant est le Palomino pour les sherries secs ; le Pedro Ximénez (PX) et le Moscatel sont utilisés pour des styles plus doux. Les procédés incluent fermentation, éventuelle fortification (ajout d’alcool), puis vieillissement en solera sur barriques de chêne, parfois sous une couche de flor qui protège et crée des arômes salins, d’amande et de levure. Les PX donnent des vins denses, au goût de fruits confits et caramel ; les finos sont secs, salins, d’une grande fraîcheur.
Manières de consommer le Sherry :
- Fino et Manzanilla : servis très frais, idéaux à l’apéritif et pour accompagner tapas, fruits de mer et fritures.
- Oloroso et Amontillado : plus riches, avec viandes braisées, gibier ou fromages affinés.
- Pedro Ximénez : en dessert, sur glace ou avec pâtisseries au chocolat et fruits secs ; aussi utilisé pour napper plats et sauces dans la cuisine créative.
7. Le Commandaria (Chypre)

Imaginez un vin consommé par chevaliers et rois : c’est le charme du commandaria, liquoreux et solaire, qui a traversé les âges sur les flancs pierreux de Chypre. Sa douceur est celle des vendanges d’été et du soleil qui concentre les sucres.
Origine & histoire : La Commandaria se revendique comme l’un des plus anciens vins commercialisés : déjà cité par des chroniqueurs médiévaux, il devient la boisson des chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean au XIIᵉ siècle. Le nom provient des « commanderies » (unités territoriales) qui contrôlaient la production et le commerce. Le procédé historique – sécher les raisins au soleil pour concentrer les sucres avant pressurage – perdure sous réglementation moderne qui protège l’appellation et les cépages traditionnels. Le vin a donc une double histoire : antique et médiévale, puis modernisée par des règles de production qui assurent qualité et identité.
Ingrédients & arômes : Les cépages locaux (Mavro pour les raisins noirs, Xynisteri pour les blancs) sont séchés au soleil, concentrant sucres et composés aromatiques. La fermentation réduit partiellement les sucres, ce qui donne un vin naturellement liquoreux, parfois renforcé par concentration et maturation en fût. On retrouve des arômes de figue sèche, miel, caramel, épices douces et une texture sirupeuse mais équilibrée par une acidité suffisante.
Manières de consommer le Commandaria :
- Servi en digestif à température ambiante ou légèrement frais.
- Accord traditionnel : pâtisseries orientales au miel, baklava, ou fromages à pâte persillée.
- Boisson de cérémonie et de fête à Chypre, souvent offerte pour clore un repas important.
8. La Mastiha (Grèce – île de Chios)

La mastiha est l’un des trésors botaniques les plus singuliers de Méditerranée : extraite de l’arbre lentisque sur l’île de Chios, sa résine parfume liqueurs, confiseries et remèdes. La liqueur de mastiha porte en elle l’odeur sèche des îles et une douceur résineuse très spécifique.
Origine & histoire : La récolte de la résine de mastic (mastiha) sur Chios remonte à l’Antiquité – Homère mentionne déjà les propriétés de la résine. Les villageois spécialisés (mastihohorio) entaillent l’écorce pour recueillir la sève qui durcit en petites gouttes ; ces pratiques sont ritualisées et protégées. La résine fut utilisée comme chewing-gum naturel, remède pour la digestion et comme parfum. La liqueur moderne s’est développée comme moyen de valoriser cette résine unique, avec des méthodes mêlant macération et distillation.
Ingrédients & arômes : La matière première est la résine de Pistacia lentiscus var. chia ; la liqueur est obtenue par distillation ou macération de la résine dans alcool, puis addition de sucre. Le profil aromatique est résineux, légèrement mentholé, résolument balsamique, avec une amertume douce et une pointe citronnée selon les travaux de vieillissement et dosage.
Manières de consommer la Mastiha :
- Servie fraîche, pure, en digestif pour ses vertus supposées digestives.
- Mélangée à de l’eau gazeuse ou de la limonade pour un cocktail léger et résineux.
- Utilisée dans la pâtisserie grecque et la confiserie pour parfumer crèmes et miels.
9. Le Gin de Mahón (Menorca, Baléares)

À Minorque, l’histoire britannique et la vigne locale ont donné naissance à un gin singulier : sec, rond, avec une personnalité marquée par le genièvre mais aussi par des touches méditerranéennes d’agrumes.
Origine & histoire : Le gin apparaît à Menorca au XVIIIᵉ siècle sous l’influence britannique (occupation anglaise de l’île). Les distilleries locales ont adapté la recette en utilisant une base de distillat de vin local (aguardiente) et en privilégiant des botanicals simples mais nets. Le « Gin de Mahón » a ensuite été reconnu comme produit distinctif de l’île et s’inscrit aujourd’hui dans une tradition protégée.
Ingrédients & arômes : La distillation se fait sur une base de distillat de raisin ou d’alcool neutre, aromatisée principalement au genièvre, puis complétée par des notes d’agrumes (zeste de citron), coriandre, et parfois aneth ou graines de carvi selon la maison. Le résultat est un gin moins lourd que certains londoniens, plus lumineux, à la fois sec et légèrement fruité.
Manières de consommer le Gin Mahon :
- Traditionnellement en « pomada » (gin de Mahón + limonade glacée) très populaire sur l’île – une boisson estivale rafraîchissante.
- En gin & tonic, avec une tranche d’agrume pour révéler la fraîcheur.
- Utilisé dans des cocktails courts où la finesse du genièvre doit rester centrale.
10. Le Cap Corse Mattei (Corse)

Le Cap Corse Mattei est un apéritif corsé d’histoire : un vin aromatisé au quinquina et aux écorces d’agrumes, imaginé à la fin du XIXᵉ siècle et devenu le symbole apéritif de la Corse, entre amertume noble et douceur parfumée.
Origine & histoire : Créé en 1872 par Louis-Napoléon Mattei, médecin et négociant, le Cap Corse Mattei vise à valoriser les plantes locales et l’usage du quinquina (écorce importée mais employée comme tonique médicinal). L’élaboration d’un apéritif à base de vin et de quinquina s’inscrit dans la grande vague des apéritifs tonifiants du XIXᵉ siècle (comme le vermouth). Le produit se fixe dans l’identité corse et s’exporte ensuite, tout en restant associé aux tables de l’île.
Ingrédients & arômes : C’est un vin apéritif élaboré à partir de vins corses (blancs ou rouges selon les cuvées) macérés avec quinquina, écorces d’orange amère, herbes aromatiques et épices. Le quinquina apporte l’amertume caractéristique, qui est contrebalancée par des notes d’agrumes et une base de vin suffisamment ronde pour rendre l’ensemble accessible. On reconnaît une amertume noble, des zestes d’orange confite et une finale botanique.
Manières de consommer le Cap Corse :
- Servi frais, nature ou sur glace avec une rondelle d’orange, en apéritif pour ouvrir l’appétit.
- Allongé de tonic (version moderne) ou en spritz local pour une boisson estivale.
- Accordé à la charcuterie corse, aux figues fraîches, ou comme contrepoint aux fromages de brebis.
Conclusion
Des terrasses grecques aux tavernes turques, des bodegas andalouses aux cafés de Marseille, chaque verre raconte une histoire millénaire.
Ces 10 boissons alcoolisées de Méditerranée sont bien plus que de simples breuvages : elles incarnent une culture, un climat et un art de vivre. Qu’il s’agisse des liqueurs parfumées comme le limoncello ou la mastiha, des apéritifs amers comme le vermouth ou le Cap Corse, ou encore du sherry et de la commandaria, chacun de ces nectars est incontournable pour qui souhaite comprendre et goûter la Méditerranée.
Que ce soit lors d’un voyage ou au bar le Solis à Paris, laissez-vous guider par la richesse de ces traditions et partez à la rencontre de saveurs uniques, à partager et à redécouvrir !